Auteur: Ludo Vermeulen (Mploy)
Cour de justice 19 décembre 2024, C-531/23, Loredas
La législation nationale et son interprétation par les tribunaux nationaux exemptant les employeurs nationaux de l’obligation de mettre en place un système d’enregistrement du temps de travail des travailleurs domestiques est contraire au HGEU et à la directive 2003/88 sur l’aménagement du temps de travail.
La Cour reprend un certain nombre de considérations de son arrêt du 14 mai 2019 dans l’affaire CCOO et les développe davantage.
Depuis 2019, la loi espagnole oblige les employeurs à enregistrer quotidiennement les heures de travail réellement effectuées par leurs salariés, y compris les heures précises de début et de fin de la journée de travail de chaque salarié. Certains employeurs, notamment les ménages, sont exemptés de cette obligation.
Une femme de ménage espagnole a exigé un salaire pour les heures supplémentaires. Sa demande a été rejetée en première instance faute de preuves. Le juge d’appel a ensuite soumis le projet espagnol à la Cour de justice.
La Cour considère :
« S’il n’existe pas de système capable de mesurer de manière objective et fiable combien d’heures et à quelles heures un employé a travaillé, ainsi que le nombre d’heures supplémentaires effectuées en plus des heures normales de travail, il est extrêmement difficile, voire impossible en pratique, de aux salariés de faire valoir leurs droits en vertu de l’article 31, paragraphe 2, de la Charte et de la directive 2003/88 afin de faire un usage efficace de la limitation de la durée hebdomadaire de travail et de la durée journalière et hebdomadaire de travail visée dans ladite directive période de repos minimale. (paragraphe 38)
Après un examen plus approfondi, la Cour conclut que le régime espagnol dispensant les employeurs domestiques de l’enregistrement du temps de travail est contraire à la Charte des droits fondamentaux de l’UE et à la directive 2003/88.
La Cour rappelle aux juridictions nationales leur rôle dans ce contexte : « Dans ce contexte, il est de jurisprudence constante que l’obligation pour les États membres découlant d’une directive de réaliser l’objectif poursuivi par celle-ci, ainsi que l’obligation prévue à l’article 4, paragraphe 3, TUE, l’obligation qui leur incombe de prendre toutes les mesures appropriées, générales ou spécifiques, pour assurer le respect de cette obligation, s’applique à toutes les autorités des États membres et donc, dans le cadre de leurs compétences, également aux tribunaux (arrêt du 14 mai 2019, CCOO, C‑55/18, EU:C:2019:402, point 68). (paragraphe 47)
Cela signifie-t-il que le compte à rebours sera également réintroduit en Belgique par l’intervention judiciaire ? Le temps nous le dira.
Pour ceux qui veulent en savoir plus : D. Ryckx, juge au Tribunal du Travail de Bruxelles, a consacré une large contribution à l’arrêt CCOO dans l’Orientation 2024/9.
Bron : Mploy